Théâtre : La question métisse

Théâtre Varia

Du 15 au 26 janvier 2013, le Théâtre Varia présente le spectacle KWAHERI de et avec Estelle Marion qui sera accompagnée de Manou Gallo et Marc Hérouet. Belgo-rwandaise, l’actrice Estelle Marion y parle du métissage en confrontant la douloureuse histoire de son métissage à l’Histoire de l’Europe et de l’Afrique. Chaque soir après le spectacle, un bord de scène sera organisé avec Estelle Marion, qui répondra aux questions des spectateurs. En ce début d’année 2013, le Théâtre Varia a décidé de faire un geste pour les amis d’ACP : en réservant vos places, précisez que vous êtes un(e) ami(e) d’ACP et elles vous seront facturées 8 € au lieu de 20 € ! Bon spectacle et meilleurs voeux ! Sachez par ailleurs que dans le cadre de ce spectacle, le Théâtre Varia fait un appel à témoignages sur la question métisse auquel nous vous proposons de participer. Le 25 janvier 2013, une journée particulière sur la question métisse sera également organisée avec Sylvie Chalaye, Lissia Jeurissen, Francçois Durpaire, Bertrand Dicale, In Koli Jean Bofane et Olivier Mukuna. L’accès à ce débat est gratuit. Pour lire l’émouvante lettre ouverte aux spectateurs écrite par Estelle Marion… LETTRE OUVERTE AUX SPECTATEURS

Le 19 décembre 2012.

Presque d’eux-mêmes, les premiers mots se sont posés sur le papier par nécessité, parfois en douceur, parfois avec violence. Mon besoin – car c’est ainsi qu’il faut le nommer – était de parler du métissage ou  plus exactement de ma condition de “mulâtresse”.

À l’automne de ma vie,  mon passé a ressurgi en moi violemment.

Il me fallait redécouvrir les voies meurtrières de mon enfance. Il me fallait tenter de retracer mon histoire et celle de mes ancêtres Belges et Rwandais. Il me fallait parler, rompre le silence, raconter la douleur d’être issue de deux cultures tellement opposées, d’appartenir à deux peuples, l’un considéré comme supérieur et l’autre comme inférieur.

Il me fallait dire tout ce que j’ai tu si longtemps, pour permettre à d’autres d’oser s’exprimer.

Dans notre société mondialiste et pleine de bons sentiments, le métis est devenu beau! Il est devenu le cliché positif de la mixité, de cette tolérance utopiste d’un monde mélangé, sans heurts, sans cris ni chuchotements. En somme, la promesse d’un monde parfait où blancs, blacks, beurs, asiatiques,… vivraient d’égal à égal dans l’harmonie et l’échange de leurs richesses culturelles.

La réalité du métissage est tout autre, elle est souvent douloureuse. C’est dans cette douleur que j’ai voulu creuser pour peut-être l’apaiser.

En Afrique, une femme métisse, si elle est tolérée aujourd’hui, a longtemps été classée dans les infréquentables, avec comme seul avenir la prostitution. Elle est le résultat supposé du blanc colonisateur qui avait pris pour objet sexuel une femme noire.

Bien que je sois le fruit d’un amour légitime  et profond que mes parents ont partagé toute leur vie, j’ai vécu mon métissage avec détresse. Leur amour n’a pas pu me préserver du monde, de l’idéologie ambiante.

C’est entre ces deux rives, au-dessus de ce  gouffre, que je marche en équilibre avec comme seule perche une identité mouvante. Je tente de partager ma quête d’identité, ma quête « d’un foyer où abriter nos  complexités, foyer que nous devons inventer faute de le trouver dans le monde réel » (Toi Derricotte).

Estelle Marion

Estelle Marion

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