Djibouti : la justice belge condamne l’Etat djiboutien dans l’affaire dite « Verdonck et consorts » !

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L’Etat djiboutien condamné

Condamnation de l’Etat djiboutien. Le mardi 15 décembre 2015, la Chambre du Conseil du Tribunal de Première Instance de Bruxelles a définitivement tranché dans l’affaire dite « Verdonck et Consorts » ouverte à l’occasion de l’occupation de l’Ambassade de la République de Djibouti en Belgique par des activistes djiboutiens. Pour rappel, le 16 septembre 2013, le président djiboutien, Ismaël Omar Guelleh, était en visite officielle à Bruxelles. A cette occasion, une poignée de militants de l’opposition djiboutienne étaient entrés de force dans les bureaux de l’Ambassade de Djibouti en Belgique et avaient déroulé sur la façade de l’immeuble une banderole reprenant le slogan suivant : « Guelleh voyou, Guelleh dégage, Djibouti appartient au peuple djiboutien ». Ils avaient ensuite rejoint une manifestation organisée par l’opposition quelques heures plus tard devant le Palais de Justice de Bruxelles où ils avaient exhibé la même banderole.

Sur base d’une plainte avec constitution de partie civile déposée par le régime djiboutien, ces faits avaient conduit à l’inculpation de trois activistes mais aussi de Mr Dimitri Verdonck, qui couvrait l’événement pour le compte de l’Association Cultures & Progrès et surtout de Mr Ali Deberkale Ahmed, alors Représentant officiel de l’opposition djiboutienne (USN) auprès de la Belgique et de l’Union européenne. L’inculpation de trop car pour la République de Djibouti, Ali Deberkale « ce n’est pas n’importe qui, c’est même un gros morceau » a plaidé il y a un mois, l’avocat des six inculpés, Maître Alexis Deswaef agissant également en tant que président de la Ligue belge des droits de l’Homme, elle-même membre de la FIDH, la Fédération internationale des Ligues des Droits de l’Homme. Et de poursuivre : « La République de Djibouti a tout simplement pris prétexte d’une action pacifique menée par des activistes, pour tenter de se payer Mr Deberkale et il s’agit là d’une tentative inacceptable d’instrumentalisation de la justice belge à des fins politiques« .

A la question de savoir si les inculpés devaient être envoyés en correctionnelle où ils risquaient une forte amende et plusieurs années de prison, la magistrate en charge de l’affaire vient de répondre de manière très claire par la négative. Non à toute forme d’instrumentalisation et non-lieu pour tout le monde, y compris pour les activistes djiboutiens eux-mêmes qui n’ont pourtant jamais nié être entrés dans l’ambassade pour y mener leur action. Une action pacifique qui ne méritait donc pas l’appellation d’acte terroriste comme le soutenait l’Etat djiboutien qui devra par ailleurs rembourser leurs frais d’avocat aux six inculpés. Ayant autorité de chose jugée, les faits ne pourront plus être rejugés. Y compris à Djibouti qui n’a pas fait appel de cette décision pourtant humiliante.

Après deux années d’instruction, cette decision très attendue à Djibouti est intervenue seulement quelques jours après que le président djiboutien a annoncé sa décision de se représenter pour la quatrième fois à sa propre succession, soit le 15 décembre 2015. Le 21 décembre 2015, Ismaël Omar Guelleh envoyait sa police dans les quartiers populaires de Djibouti (Balbala) où elle a tué une trentaine de personnes et a fait plus d’une centaine de blessés. Pour ACP, il y a lieu de se réjouir de cette décision qui fait la part belle à la liberté d’expression. Hélas, il y a aussi tout lieu d’être inquiet pour les citoyennes et les citoyens djiboutiens. Car s’il vient d’apprendre à ses dépens que la justice belge ne se laissait pas si facilement intimider, le président djiboutien reste – même provisoirement – le seul maître à bord à Djibouti. Dans quelques jours, l’Etat d’urgence y sera officiellement proclamé. Les opposants craignent le pire.

A la question de savoir pourquoi l’Etat djiboutien n’a pas fait appel, Ali Deberkale avance l’explication suivante : « Peut-être que le président djiboutien a tout simplement compris que ce n’était plus la peine d’insister. Pris la main dans le sac, en raison notamment des nombreuses contradictions dans les témoignages fournis par le personnel de l’ambassade, Ismaël Omar Guelleh aura préféré en rester là ». Pour Dimitri Verdonck, « soit c’est de l’incompétence, soit le président djiboutien a perdu la tête (…) Les avocats du régime n’ont pas brillé par la qualité de leurs interventions lors des débats, loin s’en faut. Il est dès lors tout à fait plausible qu’ils aient oublié de faire appel dans les temps, étant donné que le délai légal était très court et que le régime djiboutien est peu habitué au respect des procédures (…) Si le refus de faire appel est un choix, on peut sincèrement se demander si le président djiboutien n’a pas perdu la tête car en acceptant le jugement, le président reconnait clairement ses torts dans une affaire montée de toutes pièces. »

 

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