Djibouti : Arrestation du Président de la Ligue des droits de l’homme

Jean-Paul Noël Abdi

Jean-Paul Noël Abdi, le Président de la Ligue djiboutienne des droits de l’homme a été arrêté hier à Djibouti. La FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme) et l’OMCT (Organisation mondiale contre la torture) lancent un appel urgent pour sa libération. En 2008, l’actuel Président de la République, Ismaël Omar Guelleh, avait très officiellement initié un  processus de réflexion sur les perspectives de renforcement en matière de droits de l’homme. Jusqu’ici ce processus permettait  aux chancelleries étrangères ainsi qu’aux organisations et aux institutions internationales présentes à Djibouti, de montrer à leur opinion publique – preuves  à l’appui – que les autorités djiboutiennes demeuraient fréquentables. Critiquables mais fréquentables, comme  le sont la plupart du temps des collègues de travail ou même des amis.

 

Par souci d’objectivité et de pragmatisme, ACP également s’appuyait sur ce processus dans le cadre de la publication et de la conférence européennes qu’elle prépare et, plus largement, dans le cadre du travail qu’elle mène en faveur du renforcement durable de la société civile djiboutienne et d’un dialogue politique constructif entre Djibouti et l’Union européenne.

L’arrestation arbitraire et symboliquement très forte d’une personnalité aussi probe et respectée internationalement que Jean-Paul Noël Abdi est de nature à décrédibiliser la volonté réelle des autorités djiboutiennes de mener à bien ce processus entamé en 2008. Elle est donc aussi  de nature à rompre cet équilibre fragile qui permettait jusqu’ici aux autorités djiboutiennes de rester fréquentables.

L’arrestation de Jean-Paul Noël Abdi est donc non seulement une faute morale grave, mais aussi une lourde erreur stratégique car ni les États-Unis, ni l’Union européenne, ni les institutions et organisations internationales présentes à Djibouti, ni les médias internationaux, ni ACP bien sûr et encore moins les investisseurs étrangers ne voient d’un bon œil la régression que constitue toute atteinte aux droits de l’homme. Plus encore lorsque qu’elle touche directement la personne qui les représente. Plus encore à un moment de l’histoire (Tunisie, Égypte, Yémen…) où les Européens comme les Américains notamment sont particulièrement sensibles sur la question de leurs fréquentations.

Comme beaucoup de pays à l’heure actuelle, la République de Djibouti est à un tournant de son histoire. Elle peut décider de se marginaliser en persévérant dans un système de gouvernance archaïque violent ou plutôt de rejoindre le concert des États réellement démocratiques et plus soucieux de l’intérêt général que de l’intérêt d’une famille ou d’un clan.

Le Président d’ACP,
Dimitri Verdonck

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